Etude des microalgues et cyanophytes dans deux ouvrages de retenue d’eau réalisés dans les bassins du Niorotara Amont et le Koumbako, situés dans le périmètre de la Société Sabodala Gold Operations, Sénégal
Diversité taxonomique
Au sein du grand bassin, 28 espèces ont été répertoriées, regroupées dans 10 familles (cyanophytes et microalgues confondus). La famille prédominante par la diversité spécifique est la famille des Euglenacées qui renferment 28,57% des espèces. Au sein de cette famille le genre Trachelomonas est le plus représenté avec 4 espèces. Ensuite viennent les familles des Chroococcacées (21,43%), des Desmidiacées (17,85%), des Oscillatoriacées et des Péridiniacées (renfermant chacune 7,14%). Les autres familles représentent chacune 3,57% des espèces rencontrées. Sur le plan écologique cette composition taxonomique du grand bassin montre que ce milieu est caractérisé par sa richesse en matière organique. En effet, les Euglenophytes sont des microalgues dont les deux tiers des genres sont des hétérotrophes qui se nourrissent de particules ou de substances organiques dissoutes. Ces modes d’alimentation ainsi que les besoins en vitamines expliquent pourquoi beaucoup d’euglenophytes vivent dans des eaux douces riches en substances organique.
Dans le petit bassin, 41 espèces ont été répertoriées. Ces espèces sont réparties dans 17 familles (cyanophytes et microalgues confondus). La famille des Desmidiacées est la plus représentée avec 21,95% des espèces. Dans cette famille le genre Staurastrum est plus dominant avec 4 espèces. Après les Desmidiacées viennent les Chroococcacées (14,63%), les Euglénacées (9,76%), les Closteriacées et les Hydrodyctyacées (formant chacune 4,88%). Les autres familles restantes sont moins représentées, formant chacune 2,44% des espèces. La signification écologique de la grande diversité des desmidiacées dans le petit bassin pourrait être la pauvreté de cet écosystème en éléments minéraux. En effet les Desmidiées sont abondantes et diversifiées dans les tourbières ou dans les étangs pauvres en éléments minéraux.
Abondance des espèces. Au niveau du grand bassin les abondances phytoplanctoniques fluctuent entre un minimum de 2,5 105 individus/l à 1,92 107 individus/l au niveau du grand bassin (Tableau 4, annexe). La communauté phytoplanctonique est composée d’un assemblage de 28 espèces dont 1 seule espèce de diatomée (Synedra acus) contribue jusqu’à 85% de l’effectif total des individus du phytoplancton. Ceci témoigne de la faible diversité spécifique de cet écosystème. Cette faible diversité est une conséquence d’un dérèglement des capacités d’autoépuration du grand bassin. Ce dysfonctionnement permet une prolifération d’une espèce sur les autres espèces présentes. Ce sont des cas qui sont observés dans des écosystèmes eutrophes. Au niveau du petit bassin, les abondances varient de 2,5 105 à 6,60 106 individus/l. Sur les 41 espèces présentes, 6 espèces contribuent pour 73,48% des effectifs du phytoplancton. Ce sont Microcystis aeruginosa (40,91%), Staurastrum hexacerum (7,58%), Staurastrum volvans (7,58%), Trachelomonas hispida (7,58%), Synedra acus (5,30%) et Gloeocapsa sp (4,55%). Bien que l’espèce Microcystis aeruginosa présente le plus d’effectif, elle vit en association avec d’autres espèces qui ont également des effectifs élevés. Ceci montre que la diversité spécifique est plus élevée dans ce bassin que dans le grand bassin. De ce fait l’état d’eutrophisation de ce bassin est plus faible comparé à celui du grand bassin. Toutefois le fort développement Microcystis aeruginosa est un signe d’élévation des teneurs en éléments minéraux.
Composition des groupes fonctionnels. A partir de la structure des assemblages de phytoplancton d’eau douce, Reynolds et al (2002) ont regroupé les espèces selon leurs caractères écologiques propres. Ainsi un groupe fonctionnel correspond à un ensemble d’espèce ayant la même écologie. Au sein des bassins suivant l’abondance des espèces présentes, on peut noter la dominance de 2 groupes fonctionnels. Ce sont : le groupe D, représenté par Synedra acus et présent dans le grand bassin, est caractéristique des eaux riches et turbides et est sensible à la diminution des nutriments ; le groupe LM, représenté par Microcystis aeruginosa et présent au niveau du petit bassin, est caractéristique des eaux superficielles mésotrophes à eutrophes et est sensible au brassage des eaux.
Taux de croissance des algues. L’estimation du taux de croissance du phytoplancton total a permis d’apprécier les capacités de croissances de l’ensemble des espèces dans leur milieu de vie. Les résultats obtenus en spectrophotométrie sur des échantillons prélevés dans chaque bassin avec un intervalle de temps de 48 H montre qu’au niveau des deux bassins, il y eu une croissance du phytoplancton. Ainsi : au niveau du grand bassin, le taux de croissance est de 0,002275 H-1 (304 H de temps de génération) ; pour le petit bassin, le taux de croissance est de 0,001686(411 H de temps de génération). Il faut noter que ces taux de croissance et les temps de génération ne sont pas spécifiques à une espèce mais ils représentent une résultante de la compétition de croissance qui existe entre les différentes espèces.
Caractérisation de la structure de la colonne d’eau. Les descripteurs de la structure de la colonne d’eau sont les paramètres mesurés in situ: la température de l’eau, le pH, le pourcentage d’oxygène dissous et la transparence de l’eau.
La température joue un rôle prépondérant sur la croissance des organismes et par conséquent sur celle du phytoplancton. D’après les mesures effectuées au cours de cette étude, la température moyenne des eaux du grand bassin et du petit bassin sont respectivement de 23,86 et 24°C. Le pH moyen est de 6,985 pour le grand bassin et de 6,989 pour le petit bassin. La moyenne de saturation en oxygène est plus faible au niveau du grand bassin où elle est de 52,06% qu’au niveau du petit bassin dont la moyenne est de 83,27%. La transparence moyenne est plus élevée au niveau du petit bassin avec un secchi de 0,22 m qu’ au niveau du grand bassin où la transparence moyenne est de 0,13 m. Cette faible transparence au niveau du grand bassin peut s’expliquer par la prolifération de la diatomée Synedra acus.
CONCLUSION RECOMMANDATIONS
Il ressort des résultats obtenus que le grand bassin est caractérisé par une bonne représentation des Euglenacées alors que le petit bassin est marqué par une forte diversité des Desmidiacées. Pour les espèces présentes, Synedra acus domine dans le grand bassin tandis que dans le petit bassin c’est Microcystis aeruginosa qui domine. Quant aux groupes fonctionnels, les plus dominants sont le groupe D dans le grand bassin et le groupe LM dans le petit bassin. La croissance du phytoplancton total est plus élevée dans le grand bassin que dans le petit bassin.
S’agissant de l’état trophique des deux bassins, les résultats obtenus montrent que le grand bassin est un milieu eutrophe. Par contre le petit bassin est mésotrophe à eutrophe.
A partir de ces résultats, nous pouvons formuler les recommandations suivantes :
- pour avoir une bonne idée de l’écologie des microalgues et des cyonophytes, il faut réaliser un suivi sur un cycle annuel et le coupler avec une étude détaillée des facteurs physico-chimiques des bassins.
- suivre l’écologie du développement de Microcystis aeruginosa dans le petit bassin où son abondance est élevée. En effet Microcystis aeruginosa peut libérer des toxines qui peuvent empoisonner les oiseaux, les poissons et les autres animaux. Les maladies causées par les toxines chez l’homme peuvent être subdivisées en trois catégories : gastro-entérite, réaction allergique et irritation, et maladies du foie.