ETUDE D’IMPACT ENVIRONNEMENTAL ET SOCIAL : PROJET DE DEVELOPPEMENT D’UNE PLATEFORME AGRICOLE INTEGREE ALIMENTEE PAR UNE CENTRALE SOLAIRE THERMODYNAMIQUE (TYPE MICROSOL) ET OU PHOTOVOLTAIQUE DANS LA FERME DE MARAYE A DIAMA RÉGION DE SAINT-LOUIS
Introduction
La présente étude d’impact environnemental et social (EIES) s’inscrit dans le cadre de l’extension et la diversification des activités de la ferme agricole moderne de Diama Maraye, située dans la commune de Diama, région de Saint Louis. Elle est commanditée par l’Agence Nationale d’Insertion et de Développement Agricole (ANIDA), une des structures techniques du Ministère de l’Agriculture et de l’Équipement rural sur financement de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) avec son partenaire technique la Société Africaine de Biocarburant et Énergie Renouvelables (SABER).
L’ANIDA a pour mission l’insertion des jeunes dans les métiers de l’agriculture par la modernisation des exploitations agricoles et la promotion des filières à haute valeur ajoutée. Cette tâche consiste à ériger des fermes familiales et villageoises dites « Naatangué » caractérisées par une maitrise de l’eau par la valorisation des eaux sous-terraines et une intégration des productions (animale, végétale et aquacole). Afin d’atteindre les objectifs de la mission qui lui a été assignée et d’optimiser l’impact de son intervention, l’Agence a misé sur le développement d’exploitations agricoles mixtes (contre saison et hivernage) et intégrées (végétale et animale) en créant des fermes agricoles modernes dont la ferme piscicole de Diama Maraye.
Contexte et justification de l’EIES
La zone d’intervention du projet se situe dans le Delta du Fleuve Sénégal relativement touchée par la désertification et les phénomènes liés aux changements climatiques. A cela s’ajoutent des difficultés d’approvisionnement en poissons et produits halieutiques divers. La mise en exploitation d’infrastructures sur le Fleuve Sénégal telles que les barrages de Diama et Manantali et l’intensification de l’activité agricole avec l’utilisation d’intrants chimiques ont profondément modifié les conditions du milieu et réduit considérablement la disponibilité des produits halieutiques dans cette zone.
Les caractéristiques du projet font qu’il est soumis à une Étude d’Impact Environnementale et Sociale (EIES), conformément aux exigences du Code de l’Environnement du Sénégal. En effet, les travaux d’aménagement et de construction sont susceptibles d’avoir des incidences sur divers milieux récepteurs (la flore, la faune, les sols, les eaux de surface, la qualité de l’air, la santé ou la sécurité des communautés, etc.). En effet, l’exploitation de la ferme impliquerait l’utilisation d’intrants chimiques auxquels sont associés des risques écologiques et sanitaires.
L’objectif fondamental de l’EIES est d’orienter le projet vers la durabilité environnementale et sociale, conformément aux termes de référence (TDR) de l’étude (annexe) validés par la Direction de l’Environnement et des Etablissements Classés (DEEC).
Pour ce faire les objectifs secondaires suivants seront poursuivis :
- Analyse des conditions écologiques et socioéconomiques prévalant avant le démarrage des activités du projet, notamment les milieux susceptibles d’être affectés par le projet et leur sensibilité ;
- Analyse approfondie des interventions du projet, notamment les activités susceptibles d’avoir des incidences négatives ;
- Description des enjeux socio – environnementaux liés au projet ;
- Mise en évidence des impacts potentiels du projet ;
- Proposition, à la lumière des impacts identifiés, de mesures ou actions d’évitement, de réduction ou d’atténuation des effets négatifs et de bonification de ceux positifs ; ainsi que les modalités de mise en œuvre de ces mesures et de leur suivi ;
- Spécification d’indicateurs de suivi ;
- Proposition des arrangements institutionnels propices pour une application adéquate des recommandations de cette EIES.
Description du projet
La ferme est confiée via l’agence gouvernementale ANIDA, à un groupement coopératif agricole d’exploitants des villages voisins sur la zone. L’ANIDA dans sa mission veille au bon fonctionnement de la ferme et mets à disposition ses experts, dont un technicien pour assister les exploitants.
Le projet a pour objectif principal de développer une plateforme intégrée dans chaque État membre de l’UEMOA (production agricole, production d’eau potable, transformation de produits agricoles, conservation de produits, production d’eau, pasteurisation de lait), utilisant une centrale solaire thermodynamique comme source d’énergie.
Les missions principales sont :
- Conception, amélioration, production de granulés alimentaires pour les poissons ;
- Production d’alevins pour alimenter la ferme (collectifs et privés) ;
- Grossissement, production des carpes adultes ;
- Amélioration de la production/espèces en liaison via le laboratoire et à travers des accords avec les universités de Dakar et St Louis ;
- Extension future d’étangs de reproduction prévu sur 50ha ;
- Mise en place de zones de maraichages pour l’autoproduction des aliments poissons et
- Petit maraichage alimentaire pour le groupement agricole.
Par manque d’énergie, la ferme de Diama Maraye produit actuellement 15 tonnes de poissons par an au lieu des 600 tonnes par an pour laquelle elle a été dimensionnée. Elle est également confrontée à un manque de capacités dans la production d’alevins, pour son propre fonctionnement, mais aussi pour la forte valeur ajoutée que représente cette ressource à la revente pour d’autres sites piscicoles, ou vers les pays voisins demandeurs. La capacité de production de la ferme serait de 500.000 alevins/an. La revente de 50% vers les autres producteurs représenterait une rente annuelle de 12.500.000 FCFA, largement apte à couvrir les frais d’entretien par les groupements villageois.
La ferme tourne donc au ralenti avec un groupe électro-générateur et le peu de diesel qu’elle peut s’offrir.
Le projet de l’UEMOA, porté par la SABER avec l’assistance technique de Schneider Electric, permettrait d’augmenter rapidement la production piscicole et de développer d’autres activités comme la production végétale, aujourd’hui laissée en berne par manque de moyens. Enfin, de fortes économies peuvent être réalisées par la production sur le site de l’aliment à poissons, actuellement assez prisé sur le marché national.
Ce projet de mise en place d’une plateforme agricole intégrée de production, de transformation et de conservation de produits utilisant l’énergie d’une centrale solaire thermodynamique permettra de créer beaucoup d’emplois directs avec un chiffre d’affaire avoisinant un milliard de francs CFA par an par centrale installée selon les estimations de la Commission de l’UEMOA et de son partenaire la SABER.
Le prototype visité par le groupe SABER, l’Association ECOLABS et la Commission de l’UEMOA comprend un champ solaire qui permet de chauffer de l’eau qui est ensuite stockée dans une cuve. Le dispositif peut ensuite, soit servir à produire de l’électricité, soit être utilisée directement, par exemple pour des systèmes de purification d’eau ou certaines utilisations industrielles comme le séchage.
L’innovation principale tient à cette possibilité d’utiliser l’énergie directement en continu (24h/24h). Le prototype peut générer 50 MWh /an d’énergie, 730 m3/an d’eau purifiée et environ 800 MWh /an d’énergie thermique, pour un coût estimé à quatre cent millions (400 000 000) de francs CFA.
Cette technologie est spécialement adaptée pour les villages de 500 à 1000 habitants et les petites industries en Afrique.
Le projet de l’UEMOA permettra de développer fortement l’activité rizicole à Diama Maraye et dans les villages voisins. L’idée serait que ces riziculteurs profitent des moyens mis à disposition par l’UEMOA et entretenus par les techniciens de l’ANIDA sur la ferme de Diama Maraye pour des activités de transformation et de valorisation de leur riz. En échange de ces moyens mis à disposition, les riziculteurs pourraient payer par du son de riz car ce produit est un intrant pour la fabrication des granulés dont s’alimentent les poissons. Ainsi, l’activité piscicole de Diama Maraye augmentera ses marges en produisant ses propres granulés grâce au son de riz avec lequel elle sera payée. Et d’un autre côté, les riziculteurs auront accès à des moyens valorisant leurs grains tout en payant avec une marchandise qu’ils auront en abondance. Ce modèle d’affaires, avec une synergie entre pisciculture et riziculture, paraît très intéressant à explorer.
Cadre politique, juridique et institutionnel
Les documents d’orientation des politiques sectorielles pertinentes pour le projet ainsi que les textes qui lui sont applicables sont passés en revue dans le but d’orienter la mise en œuvre du projet dans le respect des dispositions indiquées. Aussi, les institutions concernées par sa gestion environnementale ont été analysées.
Au plan politique, le projet s’inscrit dans un cadre marqué par les orientations politiques du Sénégal en matière d’environnement, de gestion des ressources naturelles et de développement économique et social, dont notamment :
- Les objectifs de développement durable (objectifs 1, 2, 6 et 15) ;
- Le Plan Sénégal Emergent (PSE 2014) ;
- La Stratégie Nationale pour le Développement Durable (SNDD) ;
- La Lettre de Politique du Secteur de l’Environnement et du développement durable (2016-2020) ; la Politique forestière du Sénégal ;
- Le Plan national d’action pour la gestion des déchets dangereux au Sénégal (1999) ;
- La stratégie et le plan national d’actions pour la conservation de la biodiversité (avril 1998)
- Le Programme d’action national de lutte contre la désertification (PAN/LCD),
- Le Plan National d’adaptation aux changements climatiques (2006) ;
- Le Plan d’action pour la Gestion intégrée des Ressources en Eau (PAGIRE) de décembre 2007 ;
- L’Acte III de la décentralisation 2013 ;
- La Stratégie Nationale pour l’Egalité et l’Equité du Genre (SNEEG 2005-2015) ;
- Le Plan cadre national de prévention et d’élimination du travail des enfants au Sénégal (PCN 2012).
Le projet bénéficiant de l’appui financier de l’UEMOA, les Politiques opérationnelles de cette institution en matière de gestion environnementale et sociale dans le financement des projets ont été donc analysées.
Au plan juridique, le projet s’insère dans un cadre plus global de traités et accords internationaux concernant l’Environnement que le Sénégal a ratifiés. Il s’agit principalement de la Convention sur la Diversité Biologique, la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification, la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques, la Convention de Stockholm sur les Polluants Organiques Persistants, la Charte des Eaux du fleuve Sénégal, etc.
Au niveau national, le projet doit se conformer aux exigences législatives et réglementaires qui encadrent et régissent les activités susceptibles d’avoir des impacts négatifs sur l’environnement et les ressources naturelles et/ou les communautés. Il s’agit principalement du Code de l’Environnement et son décret d’application (loi N° 2001-01 du 15 janvier 2001 et décret N°2001-282 du 12 avril 2001) qui réglementent et définissent les procédures pour la réalisation des études d’impact environnemental. Ils sont complétés par cinq Arrêtés dans ce domaine, ainsi que deux normes dont la NS-05-061 relative aux rejets des eaux usées dans les différents milieux récepteurs et la norme NS 05 – 062 sur la pollution atmosphérique.
A cela, il faut rajouter l’Arrêté primatorial n° 09415 du 06 novembre 2008 portant interdiction d’importation, de production et d’utilisation des pesticides et produits chimiques visés par la Convention de Stockholm sur les POPs, et Arrêté interministériel n°09311du 05 octobre 2007 portant gestion des huiles usagées.
A ces textes, on peut ajouter le Code forestier (Loi n° 98-03 du 08 Janvier 1998), Code minier : (loi n° 2003- 36 du 24 novembre 2003 portant Code minier et son décret d’application n° 2004-647 du 17 mai 2004) ; le Code des collectivités locales, La loi N° 81-13 du 4 Mars 1981 portant Code de l’Eau ; la Charte sur le Domaine Irrigué…etc.
Le projet doit également intégrer les dispositions juridiques relatives à la santé et à la sécurité au travail avec notamment : la Loi n° 73-37 portant Code de la Sécurité Sociale, modifié ; Loi n° 97-17 du 17 décembre 1997 portant Code du travail ; Loi n° 2010-03 du 09 avril 2010 relative au VIH SIDA ; Décret n° 2006-1249 du 13 novembre 2006 fixant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour les chantiers temporaires ou mobiles ; DECRET n° 2006-1259 du 15 novembre 2006 relatif aux mesures de signalisation de sécurité au travail ; Décret n° 2006-1261 du 15 novembre 2006 fixant les mesures générales d’hygiène et de sécurité dans les établissements de toute nature, etc.
Les principaux acteurs institutionnels de la gestion environnementale du projet sont le Ministère en charge de l’Environnement à travers deux de ses Directions techniques (DEEC, DEFCCS), le Ministère de l’Agriculture et de l’Équipement Rural (MAER), à travers l’ANIDA qui assure la maitrise d’ouvrage déléguée, les Ministères en charge de la santé, de l’élevage, de la pêche, de l’hydraulique, du développement social, du commerce, l’administration territoriale et les services techniques déconcentrés, les collectivités locales et les ONG.
Description de l’environnement du projet
Milieu biophysique
La zone d’intervention du projet se situe au plan éco géographique dans le domaine sahélien caractérisé par une sécheresse climatique depuis bientôt quatre décennies.
Le climat est marqué par l’alternance d’une longue saison sèche et une courte saison humide de trois mois en général, mais un peu de trois mois ces dernières années. Le régime thermique est marqué par une période de hautes températures allant de février à juin avec des pointes pouvant atteindre 40°C et une période de basses températures qui va de juillet à janvier avec une moyenne qui tourne autour de 23°C.
La région est comprise entre les isohyètes 300 mm et 500 mm, avec des précipitations pouvant atteindre rarement 400 mm. La pluviométrie annuelle est très variable. Des années pluvieuses succèdent des années très sèches. Au niveau du tronçon Diama/Bakel, les pertes par évaporation sont estimées en moyenne sur l’année à 56,5 m3/s.
Sur le plan pédologique, on peut noter :
- Les sols de type hydromorphes peu humifère plus connu sous le nom local de « falos ». Ces falos sont les talus des berges du lit mineur du fleuve et de ses défluents permanents et sont toujours inondés par la crue ;
- Les sols de transition entre les fondés et les hollaldés appelés « faux Hollaldés ». Ce sont d’anciens bourrelets de berge constitués de vertisols. Ils sont inondés par une crue moyenne à forte et contiennent 30 à 50 % d’argile ;
- Les sols lourds formés par l’accumulation de dépôts fluviaux lors de la décantation des eaux de crue plus connu sous le nom local de « Hollaldés ». Ils sont inondés par une crue faible à moyenne et représentent 36 % du potentiel irrigable. Ils contiennent 50 à 75 % d’argile, leur structure supporte la submersion et sont favorables à la riziculture ;
- Les sols peu évolués d’apport sablo-argileux (11 à 30% d’argile) plus connu sous le nom de « fondés ». Ces sols ne sont inondés que par les crues exceptionnelles. Ils représentent 33% du potentiel irrigable et sont favorables à toutes les autres cultures ; le riz aussi y est cultivé ;
Globalement, les ressources hydrogéologiques au niveau du bassin du fleuve Sénégal se présentent comme suit : (i) la nappe profonde dite maastrichtienne, et (ii) la nappe alluviale superficielle dont le facies est formé principalement par les sables Nouakchottiens.
La nappe alluviale observe les caractéristiques suivantes au niveau du Delta :
- Une faible profondeur dont le niveau piézométrique est inférieur à deux (02) mètres et enfin ;
- Une faible épaisseur dont la moyenne se situe aux environs de 25 mètres.
Les paramètres hydrodynamiques (transmissivité, conductivité, etc.) sont connus pour être très variables au niveau du Delta. Les caractéristiques hydrogéologiques du facies hydrogéologiques du bassin au niveau du Delta limitent la recharge de la nappe alluviale. En effet, la couche supérieure ou toit de couche est semi-perméable. En d’autres termes, il (toit) est composé de couche d’argile ou de silt. Le réseau hydrographique complexe du Delta est constitué d’axe hydraulique, de dépressions et de plan d’eau. La charpente de ce complexe hydraulique ou réseau hydrographique est bâti principalement sur cinq (05) cours d’eau ou défluents : Gorom, Lampsar, Kassack, Diovol, Djeuss et Ngalam.
Les axes hydrauliques au niveau de la commune de Diama se présentent comme suit : le fleuve Sénégal, le Lampsar, le Djeuss, le Gorom Amont, le Gorom Aval et de plusieurs cours d’eau intermittents dont le plus important est le Djeuss. Différentes unités végétales peuvent être identifiées : la strate herbacée, la strate arbustive et la strate arborescente. Du point de vue écologique, la végétation sur le site du projet et son milieu environnant est essentiellement composée d’espèces adaptées, lesquelles sont influencées par de fortes inondations (espèces hydrophiles et espèces hygrophiles) et par la forte teneur en sel (espèces halophiles). Les richesses fauniques au niveau de la zone de la zone du projet à l’instar du reste du Delta découlent de la présence du Djoudj. Les diverses espèces animales rencontrées appartiennent à divers groupes systématiques : faune reptilienne, faune mammalienne, faune aviaire, ichtyofaune, etc. Le Delta du Sénégal est l’une des plus importantes zones humides riches en nourriture situées en bordure immédiate du désert du Sahara. De nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs paléarctiques (notamment les Anatidés, les Ardéidés et les Limicoles comme les tourterelles, les pigeons, les cailles et gangas, les canards (souchet, à dos blanc et pilet), les bécassines, les oies de Gambie et d’Egypte…) viennent y nicher, comme des oiseaux tels que le Pélican Blanc, les Cormorans, le Héron bihoreau, le Dendrocygne veuf, le Dendrocygne fauve, l’Ibis falcinelle, le Flamant rose et le Flamant nain. La faune terrestre (mammifère et reptile) est assez rare en raison de la destruction du milieu naturel et de la chasse. Le phacochère, et le chacal, qui bénéficient d’une protection socioreligieuse, présentent en revanche des effectifs importants. On note également une forte colonie de singes qui sont de grands prédateurs. Certaines plantes aquatiques (Typha australis) constituent des nichoirs pour l’avifaune. Elles constituent des points de refuges de certaines espèces animales telles que le varan et le boa.